Le torticolis et la tête plate chez le bébé: faut-il s'inquiéter?
Du point de vue de la physiothérapie pédiatrique
La naissance d’un enfant est un moment rempli de bonheur, mais peut aussi être une source de questionnements sur toutes sortes de sujets. Peut-être avez-vous remarqué un aplatissement derrière la tête de votre bébé, ou une tendance à garder sa tête tournée d’un seul côté? Est-ce normal?
Les causes possibles
Depuis plus de 20 ans, il est reconnu que faire dormir les bébés sur le dos diminue le risque de mort subite du nourrisson (en savoir plus sur la campagne Dodo sur le dos). Aujourd’hui, il est fréquent que les bébés maintiennent un torticolis présent à la naissance ou développent une plagiocéphalie (tête plate), et cela pourrait s’expliquer par le fait qu’ils restent de longues heures avec la tête appuyée sur le matelas. Même en période d’éveil, les bébés de moins de 3 mois passent beaucoup de temps sur le dos.
Le torticolis est une raideur et/ou un raccourcissement d’un muscle du cou (le muscle sterno-cléido-mastoïdien) qui provoquent une inclinaison de la tête du côté du muscle affecté et une rotation de l’autre côté. Il arrive que les enfants naissent avec un torticolis que l’on dit congénital. Cela pourrait être simplement dû au positionnement du bébé dans le ventre de sa mère ou causé par un petit saignement dans le muscle sterno-cléido-mastoïdien (muscle du cou) lors d’un accouchement assisté par ventouse ou par forceps. Il est aussi possible que le bébé développe un torticolis dit positionnel parce qu’il a pris l’habitude de regarder toujours du même côté.
La plagiocéphalie est un aplatissement sur un des côtés arrière du crâne du bébé causé par un appui externe au même endroit sur une période prolongée. Cela peut être dû à la position du bébé dans le ventre de sa mère (surtout en fin de grossesse ou lors d’une grossesse multiple) ou d’une préférence du bébé à garder sa tête tournée du même côté, surtout la nuit. Nos habitudes peuvent aussi y contribuer, par exemple, si l'on se place toujours du même côté pour jouer avec lui. Il est fréquent que la plagiocéphalie soit causée par la présence d’un torticolis congénital ou positionnel, car le bébé est toujours appuyé du même côté de sa tête.
La brachycéphalie est un aplatissement symétrique derrière le crâne. Elle survient majoritairement lorsque le bébé garde sa tête centrée lors du dodo et qu'il passe beaucoup de temps sur le dos et peu de temps sur le ventre.
Ces déformations sont souvent légères, mais peuvent devenir sévères en quelques semaines si rien n'est fait pour les corriger. Elles sont possibles en raison de la très grande malléabilité du crâne des bébés. Cette souplesse permet le passage de la tête lors de l’accouchement, mais aussi la croissance rapide du petit cerveau en plein développement. Elle diminue vers l’âge de 4 mois, bien que certains changements au niveau de la forme du crâne puissent survenir jusqu’à l’âge d’environ 12 mois. Soyez rassuré, une fois que votre bébé est capable de se tourner seul ou de se tenir assis, soit vers l’âge de 5 à 6 mois, il y a peu de chance qu’une plagiocéphalie ou brachycéphalie s’installe. Il faut que la tête du bébé soit en appui prolongé sur un coussin, un parent ou sur le sol pour que la déformation se crée.
Restez tout de même vigilant, car étant donné que les sutures entre les os du crâne deviennent moins malléables à partir de l’âge de 4 mois, il devient plus difficile à ce moment d’obtenir des résultats en thérapie. Plus les bébés sont vus tôt (idéalement dès que l'on remarque un début d'aplatissement de la tête ou une préférence de rotation), plus la récupération sera rapide et moins la condition aura des impacts sur le développement moteur du bébé. Prenez le temps d’observer votre bébé et de voir s’il a tendance à avoir la tête toujours du même côté ou si la forme de son crâne a changé. En cas de doute, il est important de consulter rapidement une physiothérapeute ou une ostéopathe avec une expertise en pédiatrie. Parlez-en aussi avec votre médecin.
Quelles sont les conséquences possibles?
Rassurez-vous, la forme du crâne de votre enfant n’affectera en rien ses capacités intellectuelles. Cette condition, tout comme le torticolis, a surtout un impact sur son développement moteur puisqu’il risque de devenir plus fort et plus agile du côté où sa tête est toujours tournée. S’il utilise une main plus que l’autre, s’il se tourne du dos au ventre d’un seul côté, pivote d’un seul côté ou s’assoit d’un seul côté, ou encore s’il se lève debout en utilisant toujours la même jambe, ce sont des indices. Les bébés ne devraient jamais avoir de préférence du côté gauche ou droit. Ce n'est que vers l'âge de 2 ans qu'une préférence manuelle s'installe lors de l'utilisation des ustensiles ou du crayon.
La déformation du crâne a aussi un impact esthétique. L’arrière du crâne est plus plat au centre ou sur le côté et le front est un peu plus avancé. Le bébé peut aussi avoir un œil plus fermé d’un côté et une oreille plus avancée. La fermeture des dents pourrait également être affectée par cette asymétrie. Dans les cas plus sévères, le port de lunettes ou de chapeau pourrait devenir problématique.
En présence d’un torticolis, votre bébé peut avoir de la difficulté à tourner complètement sa tête de l’autre côté. Une diminution de la force musculaire du muscle sterno-cléido-mastoïdien opposé est presque toujours associée. Cela implique que l’enfant n’a pas assez de force pour redresser complètement sa tête à la verticale. Une inclinaison de la tête pourrait ainsi être présente dans toutes les positions du corps.
Comment prévenir?
La prévention du torticolis positionnel, de la plagiocéphalie et de la brachycéphalie est somme toute assez simple: il faut tenter de stimuler les deux côtés de votre enfant de façon égale. On ne peut toutefois pas prévenir un torticolis congénital puisqu'il se crée dans le ventre de la maman lors de la grossesse.
Quelques petits trucs simples
Pour l’alimentation, il est possible de donner le sein ou le biberon en alternant les côtés.
Pour les siestes, assurez-vous de toujours alterner la position de la tête de votre bébé (donc, une fois en rotation droite, puis en rotation gauche, puis en rotation droite, etc.). On évite que bébé dorme avec la tête au centre. Les petits coussins en forme de coeur ne sont pas conseillés. Sous supervision, votre enfant peut aussi dormir sur le côté. Vous pouvez également utiliser le porte-bébé pour les siestes, ce qui sera bénéfique pour le lien d’attachement avec votre enfant.
Pour le dodo la nuit, tel que recommandé par tous les professionnels de la santé, il est important de coucher votre bébé sur le dos. Alternez chaque jour le côté du lit où vous placez sa tête; ainsi, votre enfant ne la tournera pas toujours du même côté (ce qu’il fait pour vous regarder lorsque vous entrez dans sa chambre).
Pour les périodes de jeu, vous pouvez placer votre enfant sur le ventre, avec ou sans coussin sous l’abdomen, ou même sur vous. La position sur le ventre est recommandée dès les premiers jours du bébé, pour quelques minutes à la fois. Dès que votre enfant démontre des signes de fatigue ou commence à pleurnicher, retournez-le. Variez la position que vous prenez à côté de votre enfant lorsqu’il joue sur le dos pour qu’il vous regarde parfois à droite et parfois à gauche.
Évitez les sièges de repos pour enfants qui maintiennent sa tête au centre ou les longues périodes dans le siège d’auto, ce qui pourrait favoriser un aplatissement à l’arrière de sa tête.
Pour les balades à l’extérieur, favorisez un landau sur votre poussette ou un porte-bébé. Avec le landau, il est possible de coucher votre bébé sur le dos et même sur le ventre ou les côtés. Comme tout juste mentionné, les longues périodes passées dans le siège d’auto, s'il est installé sur la poussette par exemple, favorisent l’aplatissement derrière la tête.
Physiothérapie ou ostéopathie?
L’approche en physiothérapie est axée sur le positionnement, les exercices et les étirements au besoin pour stimuler le bébé à tourner sa tête des deux côtés. Les exercices ont aussi pour but de favoriser le développement moteur des deux côtés en même temps. Vous aurez plein de trucs à la maison pour bien positionner votre enfant et suivre son développement moteur.
L’approche en ostéopathie est axée sur l’évaluation de la mobilité des sutures crâniennes (qui relient les petits os du crâne) afin de rééquilibrer le mouvement crânien. Les étirements musculaires sont aussi souvent utilisés.
Les deux approches sont tout aussi pertinentes l’une que l’autre, mais doivent être combinées à de bonnes habitudes à la maison, et souvent à des exercices sous forme de jeu, pour rendre les traitements plus efficaces.
Chez PhysioExtra, la majorité des enfants avec un torticolis ou une plagiocéphalie sont d’abord évalués en physiothérapie. Par la suite, si la physiothérapeute juge qu’une approche en ostéopathie serait bénéfique pour votre enfant, elle le référera directement à une ostéopathe.
Vers 5 ou 6 mois, si les traitements pour la plagiocéphalie ont peu d’effets, il est possible qu’on réfère votre enfant à son pédiatre afin que ce dernier puisse vous remettre une prescription pour une orthèse moulée (fabriquée par des orthésistes). C’est une orthèse qui fait le tour de la tête de l’enfant et qui agit directement sur la forme du crâne. Cette dernière doit habituellement être portée 23 heures sur 24 pendant une période minimale de 2 mois. La plupart des enfants tolèrent très bien l’orthèse. Notez bien que celle-ci ne peut plus être utilisée lorsque les sutures du crâne sont refermées, c’est-à-dire autour de l’âge d’un an. C’est pourquoi il est important de diagnostiquer et traiter cette condition dès les premiers mois de vie afin d’éviter des traitements plus invasifs ou une déformation permanente.
Alors, en conclusion, faut-il s’inquiéter?
Il ne faut pas s'inquiéter outre mesure d'un point de vue médical, mais il faut consulter rapidement, idéalement dans le premier mois de vie, afin de pouvoir agir au meilleur moment pour le remodelage du crâne. On ne veut pas attendre, et voir si cela rentrera dans l'ordre avec le temps, car la plagiocéphalie et le torticolis ne sont pas des conditions qui peuvent se régler seules avec le temps.
Article écrit par Janie Chrétien, physiothérapeute et experte en physiothérapie pédiatrique
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